Salut ! Moi c’est Johny.

Je peux vous dire qu’avec ma tronche de dur à cuire, ils ne sont pas bien
nombreux les gens à s’arrêter devant mon box ! Aujourd’hui, c’est mon anniversaire.

Enfin, plutôt mon « boxiversaire : ça fait tout pile 365 jours que je vis derrière les grilles d’un box.

Du coup, j’ai décidé de vous raconter mon histoire. Pour que peut être, votre regard croise enfin le mien et que ce ne soit plus de la peur que j’y décèle, mais de la compassion.
Comme beaucoup de chien de mon style, je ne suis malheureusement pas bien né.

Acheté à un élevage pour enrichir mon détenteur, je vivais attaché à un volet, dans un jardin-dépotoir.

Pas d’abri, pas d’attention. Je servais juste à la reproduction. J’étais en quelque sorte une machine à fric si vous préférez.

Une fois mis au monde, mes petits étaient vite arrachés à leur maman puis parqués dans une sorte d’enclos tout boueux, sans abri ni rien pour les protéger du froid. De mon volet, je les voyais, je les entendais, mais je ne pouvais pas les toucher. La seule chose que je pouvais faire était d’espérer pour
eux une vie meilleure que la mienne. Je partageais mon malheur avec leur maman, victime tout comme moi de l’appât du gain. On se tenait compagnie mutuellement, et ça nous permettait de tenir le coup.

Puis, vous savez, on s’habitue à tout. Alors au bout de plusieurs mois de cette vie de misère, je me suis résigné. J’ai arrêté d’essayer de casser la courte corde qui me retenait prisonniers.
Je me suis fait à cette sensation d’étranglement permanent quand j’essayais de me coucher.

Un jour de janvier où il faisait très froid, je me suis réveillé et comme tous les jours, j’ai appelé ma partenaire. Elle ne m’a pas répondu. Elle était morte. Je crois que c’est à se moment là que j’ai arrêté d’espérer.

Pourtant, quelques jours plus tard, j’ai vu débarquer des gens avec des Sweat noirs et d’autres avec des uniformes. Ils ont forcé l’enclos de mes bébés, et les ont pris un par un, les plaçant bien au chaud sous leur pull.

Ils ne m’avaient pas vu parce que je ne faisais pas de bruit, je me contentais de les regarder sans rien dire, persuadé qu’ils ne me prendraient pas avec eux.

Quand mon regard a croisé le leur, ce n’est pas de le peur que j’y ai vu, mais de la compassion.

J’avais très soif, alors ils m’ont donné de l’eau, et tandis que je buvais, j’ai senti une main douce et chaude sur ma joue.
Une drôle sensation que je ne connaissais pas. C’était si rassurant, que le poids de toute ma misère s’est rappelé à moi et je me suis effondré dans ces bras accueillants.

Le type au sweat noir a paru surpris quelques instants, puis j’ai senti ses bras autour de moi qui se resserraient. J’ai senti toute sa tristesse à travers son étreinte. Sa voix douce me berçait de belles paroles et on est resté comme ça un moment, trop court à mon gout.

Puis il a fallu partir « vers une vie meilleure » comme ils ont dit, alors mes petits et moi on est monté dans la voiture direction cette fameuse destination.

Là, je me suis retrouvé dans un grand box.
Pour moi qui ne connaissait que le froid et la crasse, c’était inespéré.

Une grande cour ou je peux jouer, une partie intérieure où il fait toujours bon, des joujoux, des dodos confortables, des gamelles quotidiennes, comme un hôtel de luxe en fait.

Puis les jours passant, j’ai vu mes enfants partir dans des familles les uns après les autres. Aujourd’hui, tous ont la chance d’être heureux.

Mais moi je suis toujours là.

Vous savez, le meilleur quand on séjourne longtemps dans un hôtel, c’est quand on rentre enfin chez soi.
Mais moi, je ne sais pas ce que c’est « chez moi ».
Alors chaque jour qui me sépare de ce « chez moi » c’est un jour de perdu.

Mes soigneurs essaient de me rassurer, ils me disent que beau et gentil
comme je suis, je finirais bien par la trouver ma famille et que tout vient à point à qui sait attendre !

Mais pour ça, encore faudrait -il que les gens s’arrêtent ne serait- ce que 30 seconde quand ils passent devant mon box, que j’ai le temps de les convaincre que je suis fait pour eux…

S’il vous plait, venez me voir et regardez-moi avec amour.
C’est de l’amour que vous verrez en retour dans mes yeux.